Structure et fonctionnement des agrosystèmes

Notions fondamentales : système, agrosystème, intrants (dont engrais et produits phytosanitaires), exportation, biomasse, production, rendement écologique.

1. Produire en quantité – Livre p148-149

Monde : Production agricole, population et production par habitant 1961–1992
Monde : Production agricole, population et production par habitant 1961–1992

Après la guerre de 1939-45, il a fallu produire beaucoup de nourriture à bas prix pour nourrir en masse la population après plusieurs années de sous-nutrition.

Comme on venait de découvrir (5’18 ») les engrais de synthèse et de mettre au point des molécules toxiques, on disposait de tout l’arsenal pour pratiquer une agriculture intensive, c’est à dire pour augmenter la production sans augmenter la surface cultivée, car la même surface produit plus, elle est plus productive, les rendements augmentent.

Évolution du rendement moyen annuel du blé France entière de 1815 à 2018

Cela se voit très bien sur le graphique suivant : les rendements moyens en blé en France augmentent fortement à partir de 1950.

Comment une telle augmentation est-elle possible ?

2. Fonctionnement d’un agrosystème – livre p150-151

L’Homme exploite le sol depuis qu’il s’est sédentarisé pour produire une grande part de ses ressources alimentaires. L’agriculture est née simultanément dans plusieurs régions du monde, il y a environ 10 000 ans et a constitué le point de départ de l’évolution des sociétés humaines actuelles, débutant une période appelée Néolithique.

A partir du Néolithique, une partie de la production (excédent) est disponible pour d’autres humains, rassemblés dans les villes.

Cette agriculture est aujourd’hui majoritairement vivrière, c’est à dire qu’on cultive la terre pour se nourrir, soi et sa famille. Dans certaines régions, quand il faut produire plus, on défriche de nouvelles terres : c’est l’agriculture extensive.

L’étude des mécanismes contribuant à la fertilité du sol a amené l’agriculteur à perfectionner les techniques agricoles et à augmenter nettement la productivité : on parle d’intensification. Le rendement écologique d’un agrosystème est la part d’énergie contenue dans la biomasse produite par rapport à l’énergie solaire reçue.

rendement écologique d’un agrosystème = énergie contenue dans la biomasse produite / énergie solaire reçue

La productivité obtenue dans les agrosystèmes est remarquable : plusieurs tonnes de matière sèche par hectare et par an ou plusieurs millions de kJ par hectare et par an dans le cas des cultures de pomme de terre, de blé ou de pois. Obtenir de telles quantités de biomasse implique forcément des prélèvements importants en sels minéraux du sol. Ces éléments sont ensuite exportés, avec la biomasse, au moment de la récolte, et quittent définitivement l’agrosystème. Sans aucune compensation de ces exportations, le sol s’épuiserait en quelques années et les récoltes suivantes seraient compromises. Le maintien d’un rendement élevé d’un agrosystème nécessite l’utilisation

  • d’intrants (eau d’irrigation, énergie des véhicules agricoles, amendement et engrais)
Consommation d’engrais en France 1962-2007

L’amendement est l’apport d’un produit destiné à améliorer la qualité des sols. Il est différent d’un engrais qui n’est destiné qu’à nourrir les plantes (voir exercice 10p179)

  • et de produits phytosanitaires (pesticides, herbicides…).
quantité de substances actives par fonction (source Plan Ecophyto 2)

Les herbicides servent à tuer les plantes adventices (les « mauvaises » herbes), les fongicides servent à tuer les maladies causées par des champignons (lire un article du CNRS sur les SDHI, très utilisés actuellement), les insecticides servent à tuer les insectes. Toutes ces substances terminant en -cide (qui signifie tuer) sont rassemblées sous le terme de pesticides (=qui tuent les « pestes » des végétaux), les substances de croissance sont des hormones végétales.

Construire les graphiques montrant l’évolution des tonnages des substances actives utilisées en agriculture entre 2009 et 2014 (uniquement les 4 premiers).

Un agrosystème est donc un écosystème agricole comportant un nombre réduit d’êtres vivants et une composante minérale, en général un sol ou un milieu aquatique. Il diffère des écosystèmes naturels par les interventions humaines :

  • Prélèvement de matières organiques lors des récoltes,
  • Apport d’intrants (engrais)
  • Apport d’eau,
  • modification des êtres vivants pour augmenter leur productivité (taille, tallage),
  • Élimination des concurrences (produits phytosanitaires)
Comparaison écosystème/agrosystème intensif

L’objectif est la production de biomasse (matières organiques). Les produits récoltés servent à l’alimentation, mais aussi à la fabrication de textiles, d’agrocarburants, de médicaments, de produits industriels et d’autres choses encore.

On comprend donc qu’un agrosystème ne peut pas être considéré comme un écosystème « normal », même si on fait des efforts pour y favoriser la biodiversité (point 2. Restaurer la biodiversité) : c’est la limite de la démarche Land sharing, contre la démarche plus répandue actuellement de Land sparing.

L’exportation de la biomasse lors de la récolte enlève des matières organiques à l’agrosystème et limite le recyclage qui s’opère dans un écosystème naturel. Il est donc souvent nécessaire d’apporter des intrants pour fertiliser le sol.

Bilan d’une exploitation agricole (actions au cours de l’année)

On visualise bien ici les importations de matière à gauche, et les exportations à droite.

Dans une exploitation agricole, l’agriculteur exporte de la matière en dehors de son champ. Cette exportation n’est pas un problème en ce qui concerne les éléments carbone, hydrogène ou oxygène car ceux-ci sont prélevés dans l’air et dans l’eau. En revanche, les pertes d’azote, de phosphore et de potassium doivent être compensées par un apport régulier d’engrais, dosé en fonction des besoins.

Bilan énergétique de l’agriculture intensive

Sur ce schéma, on visualise les énormes dépenses d’énergie liées à l’agriculture intensive : à l’apport d’énergie du Soleil (gratuite et illimitée) et aux éléments naturellement présents dans la nature (eau de pluie, éléments minéraux, dioxyde de carbone) s’ajoute une énergie que l’agriculteur doit acheter et qui impacte très fortement son budget (voir graphique « charges annuelles liées aux intrants et services« )

  • Un article de Science & Vie Junior « Votre urine vaut de l’or » (mars 2020) sur l’exploitation agricole de l’azote contenu dans l’urine.

Pour maintenir la fertilité d’un agrosystème, il faut systématiquement compenser les pertes liées aux exportations, à la différence des écosystèmes où la matière n’est jamais exportée mais est recyclée sur place.

rendement énergétique de la production animale en élevage intensif

Cette dépendance aux intrants a conduit les exploitations les plus intensives à être fortement impactées par la crise liée au COVID-19 en 2020, tandis que les exploitations moins dépendantes aux intrants ont été plus résilientes.

  • Statistiques de consommation d’intrants en temps réel sur Planetoscope

Malheureusement, l’exploitation intensive et l’apport systématique d’engrais minéraux augmente le lessivage des nitrates (engrais azotés) qui se retrouvent dans les nappes phréatiques et les cours d’eau, ce qui provoque un développement accru d’algues finissant par asphyxier les rivières (c’est l’eutrophisation 3′). Une BD « Algues Vertes, l’histoire interdite », au CDI, permet de comprendre les enjeux et les conséquences de cette pollution par les nitrates.

La surexploitation et le labour intensif conduisent à l’épuisement des ressources des sols, ce qui peut conduire à les rendre stériles (exemple des sols latéritiques qui ne se forment normalement qu’en milieu tropical mais qui donnent une bonne indication de ce que pourrait devenir un sol surexploité où ne subsistent que les éléments les moins lessivables comme le fer et l’aluminium). Le sol est un milieu fragile qui met des milliers d’années à se mettre en place (0,02 à 0,1 mm par an) et qu’on met parfois quelques minutes seulement à détruire.

De plus, il existe maintenant une compétition entre l’alimentation et les agrocarburants (1’33 »). Il est impossible de nourrir toute la planète et en plus de produire des carburants à partir des cultures. Une seule planète ne suffirait pas. Afin d’augmenter les surfaces de culture pour se nourrir et pour produire des agrocarburants, l’Homme intensifie la déforestation (70 % pour l’élevage et 30 % pour l’agriculture) et l’impact sur les écosystèmes est dramatique (par exemple 1’41 », la déforestation en Indonésie au profit de la culture des palmiers à huile entraîne la disparition des dernières populations d’Orang-Outan). Les agrocarburants ne sont pour l’instant pas une alternative écologique aux carburants fossiles.

exercice 5p161 le devenir des éléments nutritifs dans un champ

exercice 7p162 comparaison de deux élevages

 

3. Des agrosystèmes adaptés à l’environnement – livre p152-153

Lorsque les exploitations agricoles sont à l’extérieur (plein champs, animaux en pâturage ou en parcours), plantes et animaux domestiques sont adaptés aux conditions locales. Les produits de la ferme sont alors fortement régionalisés :

  • Production d’un fromage, le Comté 7’23 » en Franche-Comté. Traditionnellement, les zones montagneuses sont dévolues à l’élevage puisque les animaux peuvent exploiter des terrains pentus impropres à la culture du sol.
  • Production d’artichauts 2′ en Bretagne.
  • Production de poulets 3’51 » des Landes
  • Production de moules 3’50 » du Mont St Michel. Évidemment, la mytiliculture nécessite d’être au bord de la mer…

exercice 6p162 décrire des agrosystèmes

 

4. Impacts des agrosystèmes sur la santé et l’environnement – livre p154-155

Association positive entre exposition professionnelle aux pesticides et pathologies chez l’adulte (d’après la synthèse des données analysées)

Face aux inquiétudes des populations, des études épidémiologiques sont menées pour établir les liens entre pesticides et pathologies : les études de l’INSERM sont lourdes à mener, complexes, car il faut tester séparément chaque molécule (ce qui est fait par le fabricant avant la mise sur le marché) mais aussi les « cocktails » de molécules tels qu’ils sont rencontrés dans un contexte réel d’utilisation.

Ci contre un résumé des études

L’étude AgriCan montre un lien entre exposition aux produits phytosanitaires (dont le glyphosate) et certains cancers (article Ouest France Agriculture. Une étude confirme le lien entre cancer et pesticides)

contamination des sols et des eaux marines par le chlordécone

Une molécule maintenant interdite, le chlordécone (voir vidéo 3’44), a été longtemps utilisée en Guadeloupe et Martinique où elle a durablement contaminé les sols, mais aussi les eaux marines par ruissellement. Des régions entières sont désormais impropres à l’agriculture et à la pêche pour longtemps. Lire l’enquête réalisée par J. Oublié sous forme de BD « Tropiques toxiques«  au CDI.

Après des décennies à présenter cette molécule comme indispensable à la filière banane, on « découvre » que la réorganisation de la filière sans chlordécone était tout à fait possible, sans les pertes de rendement invoquées : article du CIRAD sept 2021

L’impact du labour sur les sols (biomasse de lombrics, teneur en m.o, besoins en eau, érosion) est de mieux en mieux documenté.

comparaison sol labouré et sol avec semis direct sous couvert végétal (SCV)

Le labour des sols détruit la structure des premières couches du sol sur quelques dizaines de cm :

  • les lombrics sont tués,
  • la matière organique mise à l’air est trop rapidement minéralisée,
  • la structure (qui dépend de l’activité de la faune, maintenant réduite) est désorganisée, ce qui rend la terre compacte et incapable de retenir l’eau
  • l’absence de racines une partie de l’année, avec terre à nu exposée aux pluies d’hiver, conduit à une très forte érosion.

L’agriculture de conservation 2’10 » supprime le labour, en pratiquant le SCV. C’est un premier pas pour restaurer les sols, mais actuellement l’agriculture de conservation ne parvient pas à se passer de désherbants chimiques.

 

Les insecticides impactent fortement la biodiversité : Parmi eux, les insecticides néocotinoïdes tueurs d’abeilles avaient été interdits en 2018, mais ils viennent d’être réautorisés 2′ en 2020. Dans la zone agricole expérimentale mise en place par Vincent Bretagnolle (CNRS) pour mesurer (avec des parcelles test/témoin) les effets des intrants agricoles, une étude explique la diffusion des insecticides néocotinoïdes dans l’environnement (sous forme de bande-dessinée).

Deux expériences confirment la nocivité pour les abeilles d'un insecticide
Les insecticides néocotinoïdes

exercice 8p163 crevettes et mangroves

exercice 9p163 l’efficacité des engrais


Connaissances

Les agrosystèmes terrestres ou aquatiques sont gérés afin de produire la biomasse nécessaire à l’humanité pour ses différents besoins (alimentaires, textiles, agrocarburants, pharmaceutiques, etc.). Les caractéristiques des systèmes agricoles varient selon le modèle de culture (agriculture vivrière, extensive ou intensive). Dans plusieurs modèles agricoles, l’exportation d’une grande partie de la biomasse produite réclame l’apport d’intrants pour fertiliser les sols.

Notions fondamentales : système ; agrosystème ; intrants (dont engrais et produits phytosanitaires) ; exportation ; biomasse ; production ; rendement écologique.

Capacités

– Recenser, extraire et organiser des informations issues du terrain (visite d’une exploitation agricole, par exemple), pour caractériser l’organisation d’un agrosystème : éléments constitutifs (nature des cultures ou des élevages), interactions entre les éléments (interventions humaines, flux de matière (dont l’eau) et d’énergie dans l’agrosystème), entrées et sorties du système (lumière, récolte, etc.).

– Comprendre que l’organisation d’un agrosystème dépend des choix de l’exploitant et des contraintes du milieu, et que ces choix tendent à définir un terroir.

– Comprendre comment les intrants ont permis de gérer quantitativement les besoins nutritifs de la population, tout en entraînant des conséquences qualitatives sur l’environnement et la santé.

– Réaliser des mesures et/ou utiliser des bases de données de biomasse et de production agricole pour comprendre la différence entre la notion de rendement agricole (utilisée en agriculture en lieu et place de production) et la notion de rendement écologique.

Précisions : l’étude de tous les types d’agrosystème ainsi que des écosystèmes naturels n’est pas attendue.