Le temps et les roches

La Renaissance est l’occasion de s’interroger sur les contextes dans lesquels a pu se fabriquer l’esprit scientifique oscillant entre rupture et continuité. Pour émerger, la pensée peut :

  • soit rester fidèle aux doctrines du passé, ce qui conduit à l’intolérance des théologiens;
  • soit les frapper de caducité et se tourner vers l’avenir, le progrès et une nouvelle vision du Monde.

La Renaissance s’est caractérisée par un souci de fidélité à l’esprit antique, car la véritable séparation de la science et de la théologie n’a pas encore eu lieu. Les penseurs grecs tels que Protagoras (VeS.AC), Aristote (IVeS.AC), Platon (IVeS.AC), Ptolémée (IIeS.PC)sont les références naturelles et obligées de l’époque. L’église chrétienne romaine se réfèrera à eux, notamment Aristote. Il y a là une sorte d’aliénation de la pensée, qui est l’origine d’attitudes intolérantes, qui conduiront certains critiques au bucher pour hérésie.

A partir du XVeme siècle (le 10 Août 1519,  Magellan prenait le départ du premier tour du monde.), de nouveaux repères et outils de navigation permettent l’exploration des mers et la  déterminations des positions des continents. Il s’agit sans doute d’une période de bouleversement, d’une véritable naissance d’une pensée nouvelle, d’une «révolution intellectuelle», et en aucun cas d’une Renaissance.

Les cartographes se tiennent loin des querelles doctrinales sectaires. Ils sauront agréger une somme de compétences, de connaissances, détenues par divers acteurs (explorateurs, artisans, artistes, mathématiciens, astronomes, marins, lettrés, etc.). Ceci leur permet d’innover, de positionner les fondements d’un authentique esprit «préscientifique», et de contribuer à l’émergence d’une vision du Nouveau Monde. Cette première mondialisation engendre des modifications écologiques, agricoles et culturelles parmi les plus importantes de l’histoire. C’est le début d’une nouvelle ère scientifique. Les premiers naturalistes, en voyageant, observent des formations sédimentaires, et prennent conscience de la lenteur des processus géologiques. Charles Darwin pensait que 100 millions d’années au moins étaient nécessaires pour expliquer l’évolution des espèces. Lord Kelvin, un des plus brillants physiciens du 19e siècle, partant de l’hypothèse que la Terre était en fusion au moment de sa formation, calcula qu’il fallait entre 20 et 40 millions d’années pour qu’elle atteigne son stade de refroidissement actuel. Bien d’autres méthodes encore ont été préconisées pour estimer la durée des temps géologiques, ce que nous verrons dans la première partie. C’est la datation relative. Mais ce n’est qu’avec la découverte de la radioactivité en 1896 par Henri Becquerel, et son étude par Marie Sklodowska et son mari Pierre Curie, qu’une méthode nouvelle, parfaitement fiable, pouvait enfin voir le jour : la datation basée sur la décroissance radioactive de divers éléments chimiques instables. C’est la datation absolue que nous verrons dans un deuxième temps.

Quelles sont les méthodes mises en œuvre pour mesurer le temps en géologie ?

I/ La chronologie relative

   A/ Les relations géométriques entre objets géologiques : des outils de datation

TP 1 : La datation relative à toutes les échelles

L’étude de la relation géométrique entre objets géologiques et de leur éventuelle déformation permet de reconstituer, de façon relative, la chronologie d’événements géologiques passés : plus vieux/plus jeunes que… Cette reconstitution s’appuie sur des principes de datation relative, selon lesquels :

  •  toute strate est plus récente que celle qu’elle recouvre, c’est le principe de superposition
  • dans les roches formant une strate, une même strate a le même âge en tout point : c’est le principe de continuité.
  • des déformations comme les plis et les failles, ou encore des intrusions plutoniques, sont postérieures aux roches qu’elles affectent, c’est le principe de recoupement ;
  • tout objet inclus est antérieur à son contenant, c’est le principe d’inclusion.

Ces principes s’appliquent à différentes échelles : de la lame mince à la carte géologique en passant par l’affleurement.

Joue avec le défi de Lyell

B/ Les fossiles stratigraphiques : des outils de datation 

II/ La chronologie absolue

TP3 : La chronologie absolue : donner un âge chiffré aux roches

A/ Principe de la datation absolue

 

La datation absolue utilise les propriétés radioactives d’isotopes contenus dans les objets à dater. En pratique, on analyse des fragments de l’objet (roche ou être vivant) ou des minéraux de roches. Un isotope père P radioactif est instable et se désintègre, de façon continue et irréversible, en un isotope fils F radiogénique, selon une constante de désintégration λ déterminée expérimentalement. Cette désintégration ne dépend que du temps et constitue un chronomètre.

On considère que le système est clos : si au départ il y a 16 isotopes, il y en aura toujours 16.Le nombre d’isotope P diminue au cours du temps alors que le nombre d’isotope fils augmente.

Un isotope radioactif est caractérisé par sa période ou demi-vie, notée T. Elle correspond à la durée au bout de laquelle la population initiale N0 est divisée par deux. Elle est déterminée par la formule :t = durée depuis laquelle l’échantillon analysé est « fermé »

B/ L'utilisation des radiochronomètres

La datation par radiométrie est possible si on travaille sur un échantillon pour lequel on suppose que le système est clos. De nombreux isotopes sont à la disposition des géologues. Le choix du radiochronomètre dépend de l’âge supposé de l’objet à dater, qui peut être appréhendé par datation relative.

Concernant le radiochronomètre Rb/Sr, dont le 87Rb est l’isotope père et le 87Sr l’isotope fils, on effectue plusieurs mesures de l’objet à dater, à partir desquelles on trace une droite de régression, nommée « isochrone », dans le graphique (87Sr/86Sr) = f(87Rb/86Sr). Son coefficient directeur a permet de calculer un âge, grâce à l’équation :

t=ln(a+1)/λ

La datation par radiométrie est possible si on travaille sur un échantillon pour lequel on suppose que le système est clos. De nombreux isotopes sont à la disposition des géologues. Le choix du radiochronomètre dépend de l’âge supposé de l’objet à dater, qui peut être appréhendé par datation relative.

L’utilisation du chronomètre potassium/argon permet de dater des roches volcaniques ou métamorphiques anciennes car le 40 K se désintègre en donnant du 40 Ar avec une période de 1,31 milliards d’années.

La datation absolue a permis d’attribuer des âges absolus à l’échelle chronostratigraphique :

Couple Demi-vie Limites inférieures et supérieures Domaine d’application
40K/40Ar 1,25 Ga 10 000 a – 4,5 Ga Roches métamorphiques et magmatiques
238U/206Pb 4,47 Ga < 10 Ma – 4,5 Ga Zircons
232Th/208Pb 14,05 Ga < 10 Ma – 4,5 Ga Zircons
87Rb/87Sr 48,8 Ga 8 Ma – 4,5 Ga Roches magmatiques
147Sm/143Nd 106 Ga 350 Ma – 4,5 Ga Croissance de la croûte continentale
14C/ 14N 5750 actuel – 57 ka Archéologie et climatologie -tout objet qui a été vivant.


Savoir

La chronologie relative
Les relations géométriques (superposition, recoupement, inclusion) permettent de reconstituer la chronologie relative de structures ou d’événements géologiques de différentes natures et à différentes échelles d’observation. Les associations de fossiles stratigraphiques, fossiles ayant évolué rapidement et présentant une grande extension géographique, sont utilisées pour caractériser des intervalles de temps.
L’identification d’associations fossiles identiques dans des régions géographiquement éloignées permet l’établissement de corrélations temporelles entre formations.
Les coupures dans les temps géologiques sont établies sur des critères paléontologiques : l’apparition ou la disparition de groupes fossiles.
La superposition des intervalles de temps, limités par des coupures d’ordres différents (ères, périodes, étages), aboutit à l’échelle stratigraphique.

La chronologie absolue

La désintégration radioactive est un phénomène continu et irréversible ; la demi-vie d’un élément radioactif est caractéristique de cet élément. La quantification de l’élément père radioactif et de l’élément fils radiogénique permet de déterminer l’âge des minéraux constitutifs d’une roche.  Différents chronomètres sont classiquement utilisés en géologie. Ils se distinguent par la période de l’élément père.
Le choix du chronomètre dépend de l’âge supposé de l’objet à dater, qui peut être appréhendé par chronologie relative. Les datations sont effectuées sur des roches magmatiques ou métamorphiques, en utilisant les roches exemple, entre les conditions de fermeture du système totales ou leurs minéraux isolés.
L’âge obtenu est celui de la fermeture du système considéré (minéral ou roche). Cette fermeture correspond à l’arrêt de tout échange entre le système considéré et l’environnement (par exemple quand un cristal solide se forme à partir d’un magma liquide). Des températures de fermeture différentes pour différents minéraux expliquent que des mesures effectuées sur un même objet tel qu’une roche, avec différents chronomètres, puissent fournir des valeurs différentes.

Notions fondamentales : chronologie, principes de géologique, datations relative et absolue, fossiles stratigraphiques, chronomètres.
Objectifs : les élèves appréhendent les méthodes du géologue pour construire une chronologie des objets étudiés. Ils comprennent la pertinence des méthodes employées en fonction du contexte géologique et identifient les limites d’utilisation des différentes stratégies de datation. Ils approfondissent les méthodes qu’ils ont acquises dans les classes précédentes, notamment l’exploitation des supports pétrographiques (échantillons, lames minces) et cartographiques. Ils font un nouvel usage de la carte de France au 1/10 6 , articulé sur les données chronologiques.