Cours de Mme Marquet et M Viora
La première partie est à traiter pour les écrits-La deuxième non (BO Février 2020)
Étude d’un exemple
Qui sont les agents stresseurs ? Quelles sont les réponses adaptatives (physiologiques, cognitives, émotionnelles, comportementales) ? Existent -ils une variabilité interindividuelle face au stress ?
Nous avons tous une capacité ancestrale à répondre aux agressions de notre environnement. Cette réponse est indispensable pour nous permettre de réagir aux dangers immédiats et protéger notre intégrité physique et psychologique. Le stress touche 4 salariés sur 10 ; il est en nette augmentation dans les catégories supérieures (47%) et pour les cadres supérieurs (57%). Le coût total du stress au travail, qui inclut les dépenses de santé, les conséquences de l’absentéisme et la perte de productivité, se chiffre en centaines de milliards d’euros par an au niveau mondial (plus de 20 milliards d’euros en Europe). Le stress touche aussi les enfants, plus ou moins directement. D‘une part à cause de la pression mise par les parents (52% des parents se disent stressés par la réussite scolaire de leurs enfants), d’autre part à cause de la compétition, scolaire ou psychosociale, à l’école, au collège ou au lycée.
Les spécialistes s’accordent pour définir le stress comme tout stimulus extérieur qui met en danger notre homéostasie, c’est-à-dire l’équilibre normal de nos fonctions corporelles. On distingue le stress aigu -que nous verrons dans la première partie- du stress chronique que nous verrons ensuite.
Le premier de ces circuits est le système nerveux moteur volontaire, qui envoie des messages aux muscles de manière à répondre de façon adaptée aux informations sensorielles. Par exemple, la vue d’un requin vous incite à nager le plus rapidement possible vers le rivage, vous vous préparez au combat ou à la fuite face à une attitude menaçante.
Le deuxième circuit activé dans la réponse au stress est le système nerveux autonome, constitué des branches sympathique et parasympathique. Le système nerveux sympathique est un système d’urgence qui mobilise les muscles et le système cardio-vasculaire.
Le système sympathique active les cellules de la glande médullo-surrénale, libérant de l’adrénaline dans le sang. En effet, de manière indirecte par l’intermédiaire de divers relais synaptiques, les neurones hypothalamiques déclenchent l’exocytose d’adrénaline par les cellules chromaffines de la zone médullaire de la glande surrénale. L’adrénaline provoque une augmentation du rythme cardiaque, de la fréquence ventilatoire et de la glycémie.
Le troisième circuit cérébral activé par le stress pour activer les fonctions corporelles est le système neuro-endocrine. L’activation des neurones du système limbique déclenche la phase de résistance : elle est caractérisée par la libération de cortisol dans le sang par la glande cortico-surrénale. Elle met en jeu l’axe hypothalamo-hypophysio-corticosurrénalien.
TP Phéochromocytome et sécrétion hormonale au niveau des glandes surrénales & proteinatlas.org
Le stress chronique induit un dérèglement de la boucle de régulation impliquant le complexe hypothalamo-hypophysaire-corticosurrénalien HHC : la boucle de rétrocontrôle négatif permettant la résilience est dépassée et non fonctionnelle. Des symptômes (physiques, cognitifs, émotionnels, comportementaux) se déclarent. Des médicaments permettent de traiter les symptômes (anxiété, tremblements…), comme les benzodiazépines (BZD).
Quelles sont les conséquences du stress chronique ?
Quels sont les moyens pour lutter contre ce stress ?
A/ Les conséquences du stress chronique sur l'organisme
a) Mise en évidence des conséquences du stress chronique
Les travaux de Weiss ont été publiés dans scientific america en 1972, sous le titre de « Psychological factors in stress and disease ».
Dans cette expérience, des rats sont connectés au même générateur et reçoivent des chocs électriques dans la queue. Le rat témoin est connecté à un fil mais ne reçoit pas de décharge afin de vérifier si le dispositif lui-même n’est pas un générateur de stress. Les expériences se répètent sur plusieurs jours.
1ere expérience : l’effet du contrôle de la situation sur le stress
Le rat 1 en actionnant la roue peut bloquer le générateur de chocs électriques. Ce blocage déclenche un message sonore, perceptible par le rat. Son action, bloque également le générateur de chocs pour le rat 2. Celui-ci ne dispose pas de cette possibilité de contrôle. Au final, les deux rats reçoivent les mêmes doses de chocs électriques sauf que le rat 1 a un moyen de contrôle de la situation, le second est subordonné à une situation qu’il ne peut pas maitriser.
Le stress augmentant le taux d’acidité au niveau de l’estomac, cela peut à terme générer des lésions de la paroi de l’estomac. Weiss décide de mesurer les lésions au niveau de l’estomac des 3 rats.
Bilan : La longueur des lésions est plus importante pour les rats étant les plus angoissés. Le contrôle de la situation réduit le stress.
2eme expérience : effet de la prédictibilité sur le stress
Pour ces deux rats, ils reçoivent exactement le même nombre de chocs et ne peuvent les éviter.
Weiss mesure les lésions au niveau de l’estomac.
Bilan : Les rats qui n’étaient pas en mesure de prévoir le choc électrique imminent ont présenté une ulcération de l’estomac beaucoup plus importante que les rats qui ont reçu exactement la même quantité de choc électrique, mais qui ont été avertis qu’ils allaient recevoir le choc électrique.
Parce que les deux groupes ont connu la même quantité de stress physique (choc), un facteur psychologique – la prévisibilité – doit être responsable de la différence entre ces groupes.
La prédictibilité de la situation réduit le stress.
3eme expérience : relation entre le stress et la réponse du rat
Weiss a enregistré le nombre total d’action de la roue pour différents rats :
Plus l’animal réagissait, plus son ulcération était importante. Ces résultats suggèrent :
In other words « running around like a headless chicken’ » may be bad for your health!
4eme expérience : relation entre le stress et le feed back reçu en réponse à nos tentatives de faire face.
Imaginez que vous passez le test de conduite. Si vous réussissez, l’examinateur vous permettra d’avoir un permis de conduire complet qui vous permettra de conduire seul sans chauffeur qualifié dans la voiture. Quand vous passez le test, vous montez dans la voiture avec un examinateur qui émet une série d’instructions « Effectuez un arrêt d’urgence lorsque je tape sur le tableau de bord », « tourner à droite après ce feu « , « Garer la voiture entre ces deux voitures stationnées » etc. Vous exécutez chaque tâche sans que l’examinateur vous indique si vous vous en tirez bien. Vous effectuez chaque tâche sans aucune indication de la part de l’examinateur quant à vos résultats.
Votre rôle est d’éviter d’échouer au test, mais vous n’obtenez aucune rétroaction de l’examinateur quant à votre réussite. Très stressant.
Dans cette expérience, une lumière accompagne le signal sonore. La lumière sert comme un signal d’avertissement :
– le rat 1 évite d’avoir un choc électrique en faisant tourner la roue et cela éteint la lumière. La lumière qui s’éteint est une rétroaction pertinente qui indique au rat qu’il se trouve maintenant dans une situation sécuritaire.
– le rat 2 n’a pas de lumière.
Weiss a montré que la rétroaction pertinente réduit l’impact du stress.
Expérience 5 : Stress et rétroaction négative
Une situation encore plus stressante implique une rétroaction négative. C’est une situation dans laquelle vous vous trouvez dans des circonstances où ‘les règles du jeu ont changé’.
La lumière s’éteint aléatoirement même si le rat 1 fait tourner la roue.
Les résultats montrent qu’un rétrocontrôle négatif augmente les effets du stress.
Cela peut se produire dans les entreprises où le patron décide que l’entreprise doit changer de direction sans tenir compte si les travailleurs comprennent ce choix, s’ils sont d’accord ou s’ ils ont les compétences pour s’adapter. Imaginez que vous travaillez pour une entreprise qui vend des meubles de maison et que vous vous spécialisez dans le papier peint. Mais l’entreprise a décidé de se concentrer sur la vente de peinture. Chaque fois que vous dites à votre patron que vous avez vendu plus de papier peint, il s’énerve et vous menace de vous renvoyer. Vous êtes dans une situation de rétroaction négative – la réponse que vous avez utilisée dans le passé pour éviter la perte de votre emploi vous met maintenant dans la situation même que vous essayez d’éviter.
b) Les effets du stress chronique sur le cerveau
TP 13 Anxiété et test comportemental chez la souris
b.1 ) Rappel sur les structures anatomiques
Le système limbique est composé de nombreuses zones corticales et sous-corticales parmi lesquels des parties de l’hypothalamus, du thalamus, de l’hippocampe ou de l’amygdale. Les nombreuses connexions entre ces différentes zones en font un système ayant des rôles communs. Il peut entraîner des modifications de certaines structures du cerveau, notamment du système limbique et du cortex préfrontal.
Le système limbique est mis en jeu dans le contrôle du comportement émotionnel (plaisir, peur, agressivité) et peut être considéré comme le « cerveau affectif ». Il a aussi un rôle dans la fonction mnésique. Lien vers le site pour visualiser ces zones en « vrai »
Le système limbique intervient suite à des informations sensorielles en provoquant des réactions pouvant être :
L’appartenance d’une partie de l’hypothalamus au système limbique permet de comprendre pourquoi, face à une situation sensorielle stressante, le rythme cardiaque augmente et pourquoi, lorsque ces situations deviennent chroniques, certaines maladies comme l’hypertension artérielle peuvent avoir une origine psychosomatique.
L’amygdale est une structure cérébrale située en profondeur dans la région antéro-inférieure du lobe temporal. Elle reçoit des projections principalement des régions sensorielles du thalamus et du cortex , mais aussi de plusieurs autres structures comme l’hippocampe et le cortex préfrontal .
b.2) Stress et neuroplasticité dans l’hippocampe
De nombreux travaux ont montré l’existence de modifications structurales qui illustrent le concept de neuroplasticité dans différentes situations expérimentales de stress. Le stress joue un rôle central dans la fragilité dépressive. Chez l’animal soumis à des situations de stress chronique, les études cytologiques révèlent une régression des arborisations dendritiques, avec une perte de connexions interneuronales et un déficit de la neurogenèse de l’hippocampe.
On soumet des rats à un stress chronique d’immobilisation (immobilisation totale durant 2h pendant 10 jours consécutifs) puis on analyse la morphologie des neurones de l’hippocampe (longueur des dendrites et nombre de ramifications). Des modifications comparables des neurones du cortex préfrontal et de l’amygdale sont également observées sous l’effet d’un stress chronique. D’autres expériences montrent également que ce dernier modifie le fonctionnement des synapses et donc la transmission synaptique des messages nerveux entre ces neurones.
Neurones de l’hippocampe de rat |
Analyse quantitative de la morphologie des neurones |
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Cette atrophie hippocampique serait liée notamment aux effets neuronaux du stress, qui induit une augmentation de la libération de glutamate et diminue l’activité du facteur de transcription CREB et du facteur neurotrophique BDNF. Elle est comparable à celle retrouvée dans les études post mortem et dans les examens en imagerie chez des patients déprimés, s’explique aussi par la perte gliale (cf. figure) et par une atrophie neuronale, en lien avec une « neurotoxicité dépressive ».
Ainsi le stress chronique a des effets sur l’expression de certains gènes au niveau de certaines zones cérébrales mais peut entraîner également des modifications du système limbique et du cortex préfrontal :
Modifications structurales et fonctionnelles dans les régions interconnectées du cerveau suite à stress chronique.(ci-contre)
GR : récepteur aux glucocorticoïdes
CRH : Corticotrophin Releasing Hormon ou corticolibérine
Cette forme de plasticité cérébrale, dite mal adaptative, se traduit alors par d’éventuelles perturbations de l’attention, de la mémoire et des performances cognitives. Les patients déprimés ne sont plus capables de faire face à leurs émotions, de prendre des décisions ou d’adapter leur comportement.
Mais aussi, cela peut conduire à des pathologies : risques cardio-vasculaires, obésité ou faible résistance immunitaire.
TP 14 : Mise en évidence de l’action des benzodiazépines
Le stress chronique peut être traité par des médicaments comme les benzodiazépines.
Les benzodiazépines (BZD) sont une classe de composés organiques formés d’un cycle benzénique fusionné à un cycle diazépine. Ils forment une classe de médicaments psychotropes, familièrement appelés anxiolytiques, utilisés dans le traitement médical de l’anxiété, de l’insomnie, de l’agitation psychomotrice, des convulsions, des spasmes, ou dans le contexte d’un syndrome de sevrage alcoolique.
Effets secondaires de la prise de benzodiazépines.(image V. Rambaud)
L’étude a porté sur une trentaine de personnes traitées avec des benzodiazépines depuis 1 à 34 ans comparés à une trentaine de personne non traitées.
Effets sur les performances cognitives |
Principaux effets indésirables |
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Voir exercice sur l’anxiété chronique et la contraction musculaire
L’anxiété chronique peut s’accompagner de contractions musculaires brusques et inopinées des muscles squelettiques. Ces contractions musculaires peuvent être soignées par des médicaments antidépresseurs comme les benzodiazépines.
Effet des benzodiazépines à l’échelle moléculaire
Au niveau de l’hypothalamus, à proximité du chiasma optique, se trouve le noyau pré-optique. On y trouve des neurones GABA-ergiques qui jouent un rôle inhibiteur dans le cycle veille/sommeil (favorise donc le sommeil). Ces neurones libèrent un neurotransmetteur appelé GABA (Gamma-AminoButyric Acid -L’acide γ-aminobutyrique ) inhibiteur au niveau du noyau paraventriculaire (NPV).
Les neurones du noyau paraventriculaire (NPV) de l’hypothalamus sont soumis à l’influence des messages nerveux inhibiteurs provenant du neurone du noyau pré-optique.
Le stress chronique induit la diminution de l’expression et de l’activité des récepteurs au GABA (notamment au niveau de l’hypothalamus). Le signal inhibiteur médié par ce récepteur au niveau de l’hypothalamus est donc réduit, conduisant à une sécrétion accrue de CRH, et -en cascade- de cortisol, qui ne peut plus réguler l’hypothalamus car ses récepteurs sont eux aussi diminués par le stress chronique.
Le récepteur GABAa est un canal ionique qui après fixation du ligand va s’ouvrir pour permettre le passage de chlore dans la cellule post synaptique ayant pour conséquence l’inhibition de neurones post-synaptiques.
Vidéo 2-Minute Neuroscience: GABA
La fixation des benzodiazépines module l’affinité du GABA pour son récepteur et ainsi renforce son action dépolarisante. Elle accroit également la perméabilité au chlore par une augmentation de la fréquence d’ouverture du canal. Cette action nécessite la présence de GABA.
Vidéo 2-Minute Neuroscience: Benzodiazepines
Risque d’accoutumance et de dépendance aux benzodiazépines
On sait depuis longtemps que les benzodiazépines sont susceptibles de provoquer une dépendance. On ignore en revanche par quel mécanisme cette classe de molécules aux nombreuses vertus (somnifère, anxiolytique, antiépileptique, myorelaxante et amnésique) s’y prend pour s’attacher durablement les faveurs de la personne qui en consomme. . Elles agissent sur la désinhibition des neurones à dopamine, à l’instar de l’héroïne ou du cannabis. Leur action dopaminergique est confinée à l’aire tegmentale ventrale (ATV) du cerveau et s’appuie sur les récepteurs GABA de type a1, les mêmes qui sont impliqués dans l’effet somnifère. (voir cours sur le circuit de la récompense).
b) des méthodes alternatives et les critères de scientificités
Il est à la mode d’envisager certaines pratiques non médicamenteuses pour limiter les dérèglements et de favoriser la résilience en cas de stress (méditation et yoga) par exemple)
L’organisme en danger sous forme de manga (Les brigades immunitaires série Black, tome 1 à 5 disponibles au CDI ou en dessins animés en France) pour une première approche ou au contraire pour réviser
L’adaptabilité de l’organisme
Notions fondamentales : stress aigu, agents stresseurs, axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien, CRH, adrénaline, cortisol, rétrocontrôle, système limbique (amygdale, hippocampe), résilience, adaptabilité, système complexe.
Face aux perturbations de son environnement, l’être humain dispose de réponses adaptatives impliquant le système nerveux et lui permettant de produire des comportements appropriés. Le stress aigu désigne ces réponses face aux agents stresseurs.
La réponse de l’organisme est d’abord très rapide : le système limbique est stimulé, en particulier les zones impliquées dans les émotions telles que l’amygdale.
Cela a pour conséquence la libération d’adrénaline par la glande médullo-surrénale. L’adrénaline provoque une augmentation du rythme cardiaque, de la fréquence respiratoire et la libération de glucose dans le sang.
Une autre conséquence des agents stresseurs au niveau cérébral est la sécrétion de CRH par l’hypothalamus : le CRH met à contribution l’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien, entraînant dans un second temps la libération du cortisol. Le cortisol favorise la mobilisation du glucose et inhibe certaines fonctions (dont le système immunitaire). Le cortisol exerce en retour un rétrocontrôle négatif sur la libération de CRH par l’hypothalamus et favorise le rétablissement de conditions de fonctionnement durable (résilience).
Ces différentes voies physiologiques sont coordonnées au sein d’un système, qualifié de complexe, et permettent l’adaptabilité de l’organisme.
Notions fondamentales : stress chronique, système limbique (amygdale, hippocampe), cortex préfrontal, plasticité du système nerveux, résilience.
Si les agents stresseurs sont trop intenses ou si leur action dure, les mécanismes physiologiques sont
débordés et le système se dérègle. C’est le stress chronique.
Il peut entraîner des modifications de certaines structures du cerveau, notamment du système limbique et du cortex préfrontal. Cette forme de plasticité, dite mal-adaptative, se traduit par d’éventuelles perturbations de l’attention, de la mémoire et des performances cognitives.
Ces dérèglements engendrent diverses pathologies qui sont traitées par des médicaments dont l’effet vise à favoriser la résilience. La prise de ces médicaments, comme les benzodiazépines dans le cas de l’anxiété, doit suivre un protocole rigoureux afin de ne pas provoquer d’autres perturbations notamment une sédation et des troubles de l’attention.
Certaines pratiques non médicamenteuses sont aussi susceptibles de limiter les dérèglements et de favoriser la résilience du système. Chaque individu est différent face aux agents stresseurs, le stress intégrant des dimensions multiples et liées.
Bibliographie :