La complexification des génomes : transferts horizontaux et endosymbioses

Outre les mutations et les accidents de méiose qui contribuent à diversifier les génomes, il existe des échanges de matériels génétiques entre être vivants, parfois non étroitement apparentés, qui contribuent à une complexification du génome.

Article Pour la Science n°541 Novembre 2022 « La fougère obèse et cleptomane« 

I – Des échanges génétiques par transferts horizontaux favorisant la modification du génome.

A/ Définition

Le transfert horizontal de gène, aussi appelé transfert latéral, est un processus dans lequel un organisme incorpore le matériel génétique d’un autre organisme qui n’est pas son ascendant c’est-à-dire hors contexte de la reproduction sexuée. Cette transmission de gènes s’oppose donc au transfert « vertical » héréditaire (des parents vers les enfants).

Les gènes peuvent transiter entre individus de la même espèce et même parfois entre individus d’espèces différentes.

Le séquençage des génomes révèle que de nombreux gènes sont issus de transferts horizontaux. Les mécanismes de ces transferts peuvent se produire par l’intermédiaire de virus et ont un rôle évolutif majeur.

B/ Mise en évidence des transferts bactériens horizontaux 

Exploiter les expériences historiques proposées pour démontrer que les transferts horizontaux de gènes reposent sur une propriété fondamentale de la molécule d’ADN.

L’étude des expériences historiques de Griffith et Avery mettent en évidence que la transformation des bactéries de souche « R » en «S » se fait par intégration à leur génome d’un fragment d’ADN provenant de bactéries « S ». Entre bactérie ces transferts horizontaux se font par divers mécanismes : conjugaison bactérienne, transmission par des virus jouant le rôle de vecteurs de gènes.

D’une façon plus générale, ces expériences révèlent que ces transferts horizontaux sont permis du fait de l’universalité de l’ADN et l’unicité de sa structure dans le monde vivant.

Quand des bactéries sont détruites, elles libèrent dans le milieu une grande quantité d’ADN. Dans certaines conditions, ces fragments d’ADN pouvant contenir un ou plusieurs gènes peuvent être intégrés aux génomes d’autres bactéries. Ce mécanisme s’appelle la transformation : il s’agit donc de la modification du génotype bactérien par absorption d’un fragment d’ADN présent dans le milieu. Ce mécanisme est important dans le monde bactérien et de nombreuses bactéries présentent à leur surface des protéines spécialisées dans l’absorption de l’ADN.

C/ Transferts viraux horizontaux, moteurs de l'évolution

Les transferts horizontaux de gènes, contribuent-ils à l’évolution des génomes ?

TP 6 Les transferts de gènes horizontaux 

Le séquençage des génomes et la comparaison des séquences de gènes avec l’ADN viral montrent que l’ADN humain comporte près de 8 à 10% d’ADN d’origine viral, jusqu’à 50% chez le maïs. Là encore, des transferts horizontaux sont permis du fait de l’universalité de l’ADN et l’unicité de sa structure dans le monde vivant entre organismes non nécessairement apparentés.

Les virus parasitent les cellules en intégrant leur génome dans le génome de la cellule hôte. Pour simplifier, un virus est une enveloppe constituée de protéines virales et une information génétique sous la forme d’une molécule d’ADN (Adénovirus) ou d’ARN (rétrovirus).

Le virus ne peut se reproduire qu’en infectant une cellule hôte. Une fois dans la cellule hôte, il intègre son information génétique dans le génome nucléaire de la cellule. Un rétrovirus doit d’abord effectuer une transcription reverse pour produire de l’ADN à partir de son brin d’ARN. Cette capacité des virus a intégré leur ADN dans le génome d’une cellule hôte constitue une modalité de modification des génomes pour l’individu hôte. On parle de transfert viral.

Une synthèse sur ces mécanismes et la remise en cause totale de la phylogénie qu’ils impliquent : article de Pour la Science Novembre 2016 (commencer la lecture à « des gènes sauteurs »).

D/ Transferts horizontaux et l’évolution des populations et des écosystèmes. 

Lien avec l’actualité : lien entre les Spike protein du virus Covid et les protéines syncitines

Comme nous venons de le voir avec le développement du placenta en TP, les transferts horizontaux sont très fréquents et ont des effets très importants sur l’évolution des populations et des écosystèmes. Les pratiques de santé humaine sont également concernées par la propagation des résistances aux antibiotiques.

  • acquisition d’une résistance aux antibiotiques

Lien avec l’actualité : L’OMS alerte sur une possible hausse de la « super gonorrhée » à cause de la pandémie.

Il existe un autre mécanisme de transfert horizontal de gènes chez les bactéries : la conjugaison. Les bactéries possèdent de petites molécules d’ADN circulaires appelées plasmides distincts du chromosome bactérien. Ces plasmides ne possèdent que quelques gènes. Les plasmides peuvent être transférés d’une bactérie à une autre par le biais de ponts cytoplasmiques. La conjugaison se fait généralement entre bactéries de la même espèce mais également entre espèces différentes voir même entre bactéries et cellules eucaryotes.

La conjugaison est un processus de recombinaison génétique qui peut s’avérer utile pour les bactéries particulièrement dans un milieu devenu hostile. C’est ainsi qu’une population de bactéries peut acquérir une résistance aux antibiotiques. Du point de vue de l’Homme, la résistance aux antibiotiques est un problème de santé publique.

L’abondance des bactéries dans notre environnement et l’utilisation excessive d’antibiotiques, a entraîné une augmentation inquiétante de bactéries antibiorésistantes voire multirésistantes à tel point que l’OMS a publié une liste de bactéries contre lesquelles il est urgent d’avoir de nouveaux antibiotiques.

  • production de molécules thérapeutiques

L’Homme sait mettre à profit ces mécanismes pour réaliser artificiellement des transferts de gènes et faire produire par des bactéries ou des levures des molécules d’intérêt thérapeutique.

II/ Endosymbiose et diversification du vivant

La symbiose est une association durable à bénéfices réciproques entre organismes d’espèces différentes. Cette association peut être particulièrement étroite si l’un des partenaires vit à l’intérieur des cellules ou des tissus de l’autre (Zooxanthelles au sein des cellules des polypes de coraux, par exemple) : on parle alors d’endosymbiose.

A la fin du XIXème siècle, l’idée que les chloroplastes et les mitochondries des cellules eucaryotes provenaient de l’endosymbiose de bactéries est émise. Largement ignorée jusqu’aux années 1960, cette idée a été reprise et défendue sous le nom de « théorie endosymbiotique » par Lynn Margulis.

Cette hypothèse a d’abord été étayée par de nombreuses ressemblances entre les organites et les bactéries (taille des organites, présence d’une double membrane, présence d’ADN mitochondrial et chloroplastique, mode de division des organites comparable à celui des bactéries,…). La comparaison des génomes a confirmé l’hypothèse de l’origine endosymbiotique des organites (ADN mitochondrial et chloroplastique étroitement apparenté à celui des bactéries et cyanobactéries, transfert d’une partie du génome des mitochondries et du chloroplaste vers le génome mitochondrial). Dotés de la capacité de se diviser de façon autonome et de leur propre information génétique, ces deux organites sont transmis aux cellules filles de façon indépendante de l’information génétique du noyau. On parle d’hérédité cytoplasmique.

 

Pour aller plus loin :


Notions fondamentales : transferts génétiques horizontaux versus verticaux, endosymbiose, hérédité
cytoplasmique, phylogénies.

Savoir

L’universalité de l’ADN et l’unicité de sa structure dans le monde vivant autorisent des échanges génétiques entre organismes non nécessairement apparentés.
Des échanges de matériel génétique, hors de la reproduction sexuée, constituent des transferts horizontaux. Ils se font par des processus variés (vecteurs viraux, conjugaison bactérienne …).
Les transferts horizontaux sont très fréquents et ont des effets très importants sur l’évolution des populations et des écosystèmes. Les pratiques de santé humaine sont concernées (propagation des résistances aux antibiotiques).
Les endosymbioses transmises entre générations, fréquentes dans l’histoire des eucaryotes, jouent un rôle important dans leur évolution. Le génome de la cellule (bactérie ou eucaryote) intégré dans une cellule hôte régresse au cours des générations, certains de ses gènes étant transférés dans le noyau de l’hôte. Ce processus est à l’origine des mitochondries et des chloroplastes, organites contenant de l’ADN.

Savoir faire

  • Étudier des expériences historiques mettant en évidence la transformation bactérienne.
  • Comprendre comment la connaissance des mécanismes des transferts horizontaux permet des applications biotechnologiques (notamment la production de molécules d’intérêt dans les lignées bactériennes).
  • Mettre en œuvre une méthode permettant de comprendre les arguments qui ont conduit à considérer que les organites énergétiques sont issus de symbioses dans la lignée des eucaryotes.

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