Cours de Mme Marquet et M Viora
TP La génétique de la tolérance au lactose
Une vidéo (extrait d’une longue émission « Le Vortex » à voir en entier) sur le gène de la lactase
Objectifs principaux et productions attendues :
→ Comprendre l’origine génétique du phénotype LP ou LNP
→ Comprendre que l’expression du gène de la lactase peut évoluer au cours de la vie
Le lactose, principal glucide du lait, est un disaccharide formé par l’union d’une molécule de glucose et de galactose. Son absorption nécessite au préalable une hydrolyse réalisée par la lactase, enzyme de la bordure en brosse des cellules de l’épithélium intestinal.
Les adultes humains se répartissent en deux phénotypes en ce qui concerne l’aptitude à digérer le lactose. Les uns n’ont qu’une aptitude très faible à digérer le lactose car ils ne produisent plus de lactase (ou très peu). Ils sont dits « lactase non persistants » ou intolérants au lactose. Les autres dits « lactase persistants » gardent l’aptitude à digérer le lactose durant toute leur vie car leurs cellules intestinales continuent à produire de la lactase. Il faut bien voir que tous ces individus LP ou LNP durant les premières années de la vie produisaient de la lactase.
Chez les individus au phénotype « lactase non persistant », les manifestations d’intolérance au lactose débutent généralement vers 3-5 ans et se traduisent par un ballonnement abdominal, des douleurs abdominales, des borborygmes et, dans les cas les plus nets, des diarrhées.
La fréquence du phénotype LP à l’échelle mondiale est estimée à 35% mais varie considérablement suivant les populations. Les plus fortes fréquences sur le continent européen sont observées dans le nord-ouest de l’Europe, en particulier dans les îles britanniques et la Scandinavie où elles varient entre 89% et 96%. On constate un déclin du phénotype LP du nord au sud et de l’ouest à l’est de l’Europe. Dans l’est de l’Asie, la fréquence est très faible. En Afrique, la distribution est hétérogène avec de forts contrastes entre populations voisines.
On cherche à comprendre cette variabilité des phénotypes LP et LNP à l’échelle mondiale.
Activité 1 : Déterminisme génétique de la différence phénotypique | |
Étape 1 : Concevoir une stratégie pour résoudre une situation problème | |
![]() On peut comparer les séquences de la région strictement codante du gène de la lactase chez les membres d’une famille dont les deux parents ont le phénotype LP et qui ont deux enfants l’un LP, l’autre LNP. |
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Étape 2 : Mettre en œuvre un protocole de résolution pour obtenir des résultats exploitables | |
Comparer les séquences de la région strictement codante du gène de la lactase chez les 4 membres d’une famille. | Matériel
-anagène -Fichier Famille-LP-LNP.edi |
Étape 3 : Présenter les résultats pour les communiquer | |
Construire un tableau montrant les différences ou les similitudes entre les 4 membres de la famille. | |
Étape 4 : Exploiter les résultats obtenus pour répondre au problème | |
Synthèse : Indiquer si les séquences nucléotides sont différentes ou similaires |
Activité 2 : Régulation de l’expression du gène de la lactase | |
Etape 1 : Concevoir une stratégie pour résoudre une situation problème | |
ll faut donc rechercher une autre explication au phénotype LNP puisque ce n’est donc pas une différence au niveau de la région codante du gène qui explique la différence phénotypique LP-LNP.
Puisque la lactase est produite pendant les premières années puis cesse de l’être, c’est donc qu’il y a eu un changement dans l’expression du gène. A partir des connaissances sur les modalités de l’expression des gènes, on peut émettre diverses hypothèses : – changement au niveau de la transcription ; – changement au niveau de la traduction. Pour tester la première hypothèse, les chercheurs, à partir de biopsies intestinales, ont recherché les ARN messagers du gène de la lactase chez des individus « lactase persistants » et «lactase non persistants ». Chez les premiers ils ont mis en évidence l’ARNm du gène de la lactase alors qu’il était absent chez les seconds. La différence phénotypique est donc due à une différence dans l’expression du gène et plus précisément dans sa transcription. Chez les « lactase non persistants », le gène s’exprime à la naissance mais cesse de s’exprimer à partir de 3-5 ans ; chez les « lactase persistants », il continue à s’exprimer durant toute la vie. Pour aboutir à cette conclusion, on peut exploiter le fichier de séquences relatives à l’ARNm chez les personnes LP et LNP. Bien entendu, on ne peut traduire l’arrêt de production d’ARNm que par l’absence d’indication de séquence chez les personnes LNP après 5 ans. On cherche à montrer que la différence génétique est à l’origine du fait que chez certaines personnes, la transcription du gène de la lactase a lieu pendant toute la vie, alors que chez d’autres elle s’arrête vers 5 ans. Document de référence |
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Étape 2 : Mettre en œuvre un protocole de résolution pour obtenir des résultats exploitables | |
Comparer les séquences relatives à l’ARNm chez les personnes LP et LNP. Ouvrir le fichier ARNm-LP-LNP.edi.
Comparer la séquence régulatrice du gène de la lactase chez les membres de la famille. Ouvrir le fichier reg-famille-LCT.edi. |
Matériel
-anagène -Fichier : ARNM-LP-LNP.edi – Fichier (Reg-Famille-LCT.edi) |
Étape 3 : Présenter les résultats pour les communiquer | |
Construire un tableau montrant que les individus européens de phénotype LNP, on trouve dans cette zone régulatrice, à la position -13910 (par rapport au 1er nucléotide transcrit), le nucléotide C (la paire C-G), alors que les personnes LP possèdent au même site le nucléotide T (la paire T-A). | |
Étape 4 : Exploiter les résultats obtenus pour répondre au problème | |
Synthèse : Expliquer pourquoi la lactase est produite pendant les premières années puis cesse de l’être. |
On a mis en évidence que chez tous les individus européens de phénotype LNP, on trouve dans cette zone régulatrice, à la position -13910 (par rapport au 1er nucléotide transcrit), le nucléotide C (la paire C-G), alors que les personnes LP possèdent au même site le nucléotide T (la paire T-A).
Pour approfondir
Si on constate en Europe une excellente corrélation entre la distribution du phénotype LP et celle de l’allèle -13910T, il n’en n’est pas de même en Afrique et au Moyen-Orient. Autrement dit, l’allèle -13910T ne semble pas l’agent causal du phénotype LP dans ces régions. Une explication possible est que ce sont d’autres allèles de la séquence régulatrice du gène de la lactase qui sont à l’origine du phénotype LP chez les africains. En 2007, Tishkoff et al rapportent avoir mis en évidence trois autres allèles dans les populations de l’Afrique de l’Est (Soudan, Kenya et Tanzanie) où le phénotype LP est fréquent. Ces allèles sont : -14010C (fréquent au Kenya et en Tanzanie chez les Massaï), -13915G (assez fréquent au Kenya) et -13907G (présent au Kenya et fréquent chez les Beja du nord du soudan). On constate que ces positions sont situées à proximité de -13910T trouvée chez les européens, dans un espace d’une centaine de bases. Cela permet de préciser ce qu’est une région régulatrice d’un gène dont des mutations ponctuelles différentes peuvent avoir le même impact sur l’expression du gène.
65% environ de la population mondiale est de phénotype LNP mais cela ne prouve pas que c’est le phénotype ancestral et LP le phénotype dérivé. Les données suivantes permettent d’argumenter. La quasi-totalité des mammifères adultes ne consomment pas de lait et surtout ne synthétisent plus de lactase. Otzi est une momie qui a été découverte en 1991 dans le massif de l’OtzaÏ, à la frontière Italo-autrichienne, par un couple de randonneurs allemands. Il gisait à 3 210 m d’altitude. On a pu dater sa mort : 5300 ans. L’analyse de son ADN a révélé qu’au site -13910 de la région régulatrice du gène de la lactase, il possédait le génotype C//C. L’ADN extrait de 8 squelettes de sites archéologiques d’Allemagne, de Hongrie, de Pologne et de Lituanie (l’’âge de ces os est compris entre 5 800 et 5 000 ans avant J.C. Ils ont recherché la présence de l’allèle -13910T dans chacun des échantillons.
L’exploitation de ces différents types de données débouche sur l’idée que le phénotype LNP est ancestral et le phénotype LP dérivé. Puisqu’aux tests de tolérance/intolérance au lactose et les biopsies intestinales (recherche de la lactase) montrent que les mammifères adultes et notamment les grands Singes ont tous le phénotype LNP, comme 65% des humains, cela signifie que l’ancêtre commun à l’Homme et au Chimpanzé possédait aussi ce phénotype et que le phénotype LP est apparu dans la lignée humaine.
A partir de techniques complexes, les chercheurs ont fait des estimations sur les dates d’apparition des diverses mutations à l’origine du phénotype LP. Ainsi, pour la mutation -13910T des européens, elle serait apparue entre -10 000 ans et -5 000 ans avant J.C. La datation pour les mutations africaines serait du même ordre, peut-être un peu moins anciennes. De toute façon, à l’échelle de temps de l’évolution, ce sont des mutations récentes. La seule dérive génétique ne permet pas d’expliquer qu’elles aient pu se répandre à un tel degré dans les populations en si peu de temps, notamment pour la mutation européenne qui est presque fixée dans les Îles britanniques et la Scandinavie. Cela suggère l’intervention de la sélection naturelle.
Il reste à envisager les facteurs ayant contribué à cette sélection positive des allèles LP et par là à l’évolution phénotypique des populations.
Le lactose est présent uniquement dans le lait. La possession d’allèles LP ayant pour unique effet de permettre de digérer le lactose à l’état adulte ne peut entraîner une sélection positive de ces allèles que si les populations en cause consomment du lait, donc pratiquent un élevage laitier. De là découle l’hypothèse que c’est la domestication du bétail, chèvres, brebis et vaches, etc. donc le passage d’une société de cueilleurs-chasseurs à une société de fermiers éleveurs qui a créé le nouvel environnement ayant permis l’évolution biologique du phénotype LNP au phénotype LP. L’évolution culturelle transmise de génération en génération a entraîné l’évolution biologique et sans doute que celle-ci en retour a influencé l’évolution culturelle.
Source figure : https://www.svt-lycee-elorn.ovh/lactase.php
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